Seen from Space
Gros scoop avec l’étude Digital Consumer Trends, version 2023 de Deloitte : les données recueillies en juillet dernier auprès de 2.000 répondants trahissent une baisse sévère (de 53% en 2022 à 47% cette année) de l’utilisation déclarée de la SVOD- Subscription Video on Demand, l’acronyme qui désigne les services de streaming payants à la Netflix, Streamz, Disney+ etc. Le principal acteur dans ce marché, Netflix, est dans une trajectoire parallèle à celle de l’ensemble : baisse de 46 à 38% entre 2022 et 2023. Dans le même temps, Disney+ perd 3 points, de 18 à 15% et Amazon Prime Video progresse, de 10 à 12%. Bref, pas la joie sur ce marché. Les raisons données par Deloitte sont assez évidentes : elles reflètent l’augmentation du coût de la vie et les choix qui se posent au consommateur lambda. Un certain nombre de répondants disent « ne pas utiliser assez leur abonnement » pour en justifier l’arrêt. L’abandon de la SVOD n’est cependant pas nécessairement définitif, car certains laissent la porte ouverte par rapport à des offres plus intéressantes (on rappelle sur ce plan que l’option Netflix avec publicité, moins chère, n’est pas disponible chez nous). Ces données Deloitte sont intéressantes, et à vrai dire très crédibles sur l’influence de l’inflation. Elles ne cadrent toutefois pas totalement avec d’autres informations. Ainsi, selon Netflix, au niveau global, le coup de frein sur le partage des logins aurait significativement augmenté son public. Plus près de nous, les données belges du Global Web Index (GWI) font plutôt état d’un tassement que d’une réelle perte. On rentre évidemment dans une controverse méthodologique : Deloitte se base sur une enquête unique auprès de répondants de 18 à 75 ans quand le GWI est une étude permanente déclinée par trimestre et sur un univers de 16 à 64 ans. Ses dernières données disponibles s’arrêtent fin du premier semestre 2023. Ainsi, la pénétration nette des « services vidéos » pas nécessairement payants connaîtrait des évolutions en sens divers selon la langue des répondants, mais elle ne semble pas - jusqu’ici - prendre un trajet franchement baissier comme le suggère Deloitte (qui ne semble toutefois s’intéresser qu’aux propositions payantes). Selon le GWI, les offres SVOD principales - Netflix, Disney+ et Amazon Prime - connaissent des trajectoires différenciées toujours selon la langue : plutôt en baisse légère chez les francophones pour Netflix et Disney, mais en progrès sur les mêmes francophones pour Amazon, et des tendances exactement contraires chez les néerlandophones. Bref, on est dans un certain flou, pour de bonnes raisons comme celle des techniques de sondage, des modes de questionnement et autres… Mais il est difficile de concevoir une chute brutale entre la fin de la période actuellement couverte par le GWI (jusque juin) et celle de l’enquête Deloitte. L’idéal consisterait évidemment en des déclarations publiques et vérifiables des acteurs concernés. Pour le moment donc, on parlera d’un marché dont les tendances sont quelque peu incertaines.
Chez nos voisins d’Outre-Manche, le spécialiste de la mesure d’attention via eye tracking Lumen Research vient de réaliser une comparaison à grande échelle des performances de la publicité digitale et de celles via publicité extérieure. Côté digital, Lumen rapporte l’attention sur différents formats visibles soit sur ordinateur soit sur écran mobile. Du côté out of home, deux grandeurs d’annonces et trois configurations : "drive" désigne les contacts via des véhicules, principalement les voitures ; "roadside pedestrian", les éléments de mobilier urbain vus par des piétons ; et "internal", les sites se situant à l’intérieur de bâtiments. Pour tous, on distingue également affiches statiques et matériels digitaux. Les valeurs illustrées dans nos graphiques "dwell time" désignent la durée de fixation de l’œil telle qu’établie à l’issue d’un processus à étapes multiples. La première d’entre elles consiste à calculer des taux de visibilité. Ils oscillent de 100% pour l’affichage fixe, un peu plus de 60% pour la pub digitale via ordinateur, un gros 40% pour le mobile et des taux variables pour l’affichage digital (DOOH), dépendant de la longueur des messages, de celle des boucles qui les contiennent et finalement de la vitesse de déplacement des individus exposés. La deuxième étape s’intéresse à la probabilité de voir une annonce visible (suivant le principe que "visible" ne signifie pas automatiquement "vu"). Les scores ici sont très variables, plutôt meilleurs en mobile digital, où les messages publicitaires occupent généralement tout l’écran, moins reluisants du côté mobile desktop et assez importants (70% et au-delà) pour l’affichage, surtout pour les formats visibles par les piétons ou à l’intérieur. La troisième étape - celle des "visibility adjusted contacts" - combine par multiplication visibilité et probabilité de voir, pour établir la proportion d’annonces "servies" qui seront "activement" vues : la pub mobile score en moyenne à 25%, le display sur ordinateur beaucoup moins bien, à 13%, mais l’out of home performe lui en moyenne à 39% du côté digital et pas moins de 66% dans ses déclinaisons statiques. La phase finale est celle que nous illustrons : l’estimation du temps de fixation de l’œil sur une annonce "lambda". On peut être dans l’hyper fugitif, à moins d’une seconde, jusqu’à un maximum de plus de 3 secondes, pour le cas d’un grand format d’affichage statique vu par des piétons. En moyenne, dans l’estimation de Lumen Research, les solutions out of home approchent les 2 secondes d’attention. Et surtout elles se révèlent compétitives par rapport à des formats digitaux pour lesquels on aurait du mal à imaginer une exposition si courte, de l’ordre d’une second et demie ou moins. L’attention à la publicité, ce sont des secondes qui comptent et parfois surprennent.
Gros enthousiasme avec la publication du dernier baromètre de la radio digitale en Flandre : MM titrait à ce propos que « la mise en veilleuse de la FM n’est plus un tabou » dans le Nord de la Belgique. Cette sorte de fascination des autorités flamandes pour la technique évoque les sages paroles du chercheur Dominique Wolton : les progrès techniques en matière de communication sont souvent vus comme des améliorations, voire des révolutions, jusqu’à ce qu’à l’usage on se rende compte qu’ils n’apportent pas les solutions miracles qu’on leur avait prêtées. Pragmatiquement aussi, l’abandon de la FM paraît très prématuré, même en Flandre. Démonstration avec des données qui ont effectivement un an d’âge, mais ne datent pas du siècle dernier ! Nous sommes retournés à l’Establishment Survey du CIM (réalisée du 01/09/2022 au 31/03/2023) qui -entre autres choses - questionne ses répondants sur les moyens qu’ils ont utilisés pour écouter les contenus radio (et audio) « au cours des derniers mois ». Données filtrées sur les 12 à 74 ans, pour pouvoir les mettre en parallèle avec celles de l’étude Audio Time (10/10-12/12/2022). On a ainsi à la fois la pénétration des différentes sources et leur durée moyenne d’utilisation. Nous avons également calculé le nombre moyen de modes de réception utilisés. Sur ce plan, on peut remarquer que les modes de consommation plus modestes, comme l’écoute via les agrégateurs en ligne (« platform ») ou via les sites ou applications des radios, sont des moyens complémentaires, auxquels on a recours à côté de pas mal d’autres (moyennes avoisinant les 3). En revanche, les utilisateurs de FM ont une palette de moyens de réception nettement plus limitée, inférieure à 2 en moyenne. Les individus « digital only » pour la radio ont eux un répertoire très restreint (1,3 mode de réception en moyenne : ils sont donc très exclusifs), mais ils sont aussi relativement peu nombreux, respectivement 19 et 12% selon les régions, Nord et Sud ! Sur le plan de la durée d’écoute, la FM occupe encore une position fortement dominante, bien au-delà du DAB+ et sensiblement supérieure à l’ensemble des modes digitaux d’écoute. Alors d’accord, ces données ne sont pas alignées avec l’enquête IPSOS sur la radio digitale en Flandre (terrain en septembre-octobre 2023) et il sera intéressant de comparer les résultats de la prochaine Audio Time avec le status établi sur ce dernier trimestre 2023 pour la Flandre. Mais il serait étonnant qu’on assiste à un renversement complet. Même en Flandre, l’abondance des récepteurs FM est telle que leur mise au rebut devrait encore prendre de très longues années. Quoiqu’on dise de l’amélioration qu’apporte la digitalisation des ondes.
11 millions de Français sur TF1 pour la finale de la Coupe du Monde de rugby… et 253.000 Belges francophones. Manifestement, le sport à la télévision peut être source de grands contrastes. Entre ce qui est diffusé et ce qui est regardé d’abord. Nos graphiques montrent en effet la répartition du temps de diffusion d’émissions sportives et celle du volume de réception de ces émissions, soit leur vision par les Belges de 18 à 54 ans au cours des trois premiers trimestres de 2023. On peut d’emblée remarquer le grand écart sur le basket-ball : une proportion importante de la diffusion (jusqu’à 24% du côté francophone) et une part d’audience minimaliste. Preuve si c’était nécessaire que les programmateurs proposent, mais que c’est le spectateur qui, au final, dispose. Pour le basket-ball, en fait, l’immense majorité de ce gros volume d’émission émane de la thématique Eleven 2. Or, le basket-ball peut faire d’honorables scores d’audience lorsqu’il est diffusé sur les chaînes plus généralistes, één en Flandre ou Tipik dans le Sud, par exemple. Pour le reste, on peut légitimement parler du "dieu football" : premier en diffusion, et premier en audience dans les deux régions du pays, avec la caractéristique unique d’une répartition pratiquement équivalente entre diffusion et réception. L’intérêt grandissant pour le foot féminin a certainement contribué à en accroître encore le rayonnement de ce sport sur nos écrans. Le cyclisme sur route se situe en deuxième position en termes d’audience dans les deux régions, mais son importance est bien plus grande dans le temps de vision des néerlandophones. Après cela, on est dans des centres d’intérêt assez différents selon les régions. De manière plus globale, le côté francophone se caractérise par un schéma "winner takes all" avec une courbe très incurvée, une "longue traîne" des parts d’audience, qui s’écrasent pratiquement dès la deuxième position. Côté flamand, on retrouve également une courbe très plongeante du côté des audiences, mais elle n’est pas aussi incurvée que celle de leur voisins du Sud. Quant au rugby, dont il était question plus haut, il apparaît bien dans notre liste des disciplines les plus prisées, au Sud du pays en tout cas, mais dans une proportion bien modeste : sur ce plan, la Belgique francophone se distingue nettement de ses voisins d’Outre-Quiévrain.
“Print brands in general do not have an audience problem, they have a business model problem.”: cette phrase du regretté Peter Callius n’a jamais été autant d’actualité qu’avec l’extinction de Metro après une bonne vingtaine d’années d’existence. Ayant « sous la main » les données d’audience « dernière période » depuis qu’elles ont été rapportées par le CIM, on peut faire ici l’exercice rare d’étudier un média sur pratiquement l’ensemble de sa durée de vie. Alors, oui l’évolution montre que les meilleures années ont été 2010-2012, période au cours de laquelle la diffusion fluctuait autour des 250.000 exemplaires, mais on ne peut pas vraiment parler d’un effondrement au cours des dernières années. Le « post-COVID » ne semblait d’ailleurs pas trop mauvais , principalement pour la version francophone, qui a de tout temps été plus lue et plus partagée.
Le contraste est évident lorsqu’on trace l’historique de la valeur publicitaire MDB. Elle ne démarre qu’en 2003, mais le «prime » a été atteint en 2014, avec près de 61 millions en valeur brute. La tendance, depuis, était assez clairement descendante. Incomplète, l’année 2023 était, après 6 mois, à moins de la moitié de la valeur moyenne des trois dernières années. Bref, le souci récurrent de Metro aura touché sa source de revenu unique : la publicité. Quand les journaux payants peuvent jouer sur leurs prix de vente en cas de resserrement des recettes pubs (voir ici : https://fr.ejo.ch/economie-medias/evolution-revenus-publicitaires) , Metro n’avait pas cette opportunité. Bref, Peter Callius avait encore une fois raison, lui qui était suédois, pays d’origine du titre Metro. Le même Peter évoquait les « quatre flux d’audience des marques de presse », soit le papier, et les différentes plateformes de consultation digitale. Clairement, le passage du papier aux autres flux ne s’est pas fait assez vite et/ou assez bien. En tout cas pas assez pour la pérennité économique du titre.
Depuis 2020, le questionnaire de l’étude de référence CIM Radio Audience Measurement (RAM) comprend une série de données sur les comportements habituels d’écoute. Un des aspects traités par cette interrogation à vrai dire très générale « Au cours des derniers mois, avez-vous écouté… » couvre les sources utilisées pour écouter la radio. En ce qui concerne l’écoute live, le questionnaire aborde les classiques FM, DAB+, mais aussi Internet (y compris via des agrégateurs comme Radioplayer.be) ou la télévision utilisée comme récepteur radio. Par rapport aux premières mesures réalisées de cette manière, on assiste à un tassement de l’option classique de l’écoute radio via FM. Un tassement, mais pas un effondrement : la "bonne vieille" FM reste le mode d’écoute (de loin) le plus cité. Il a bien perdu environ un quart de sa pénétration en Flandre depuis la première mesure et diminué dans le même temps d’environ 14% auprès des francophones, mais il reste majoritaire. L’ascension du DAB+ est nettement plus ancienne en Flandre, qui est bien en avance sur le Sud du pays en la matière. Mais des deux côtés le rythme d’accroissement est très soutenu. Il faut dire que l’obligation d’équiper en DAB les radios des voitures neuves est certainement d’un grand secours : elle est effective dans l’Union Européenne depuis 2021. D’autres modes de consommation, télévision et Internet, affichent une relative stabilité dans le temps, même si la "radio via TV" se tasse un peu chez les francophones. Les agrégateurs restent une option de niche. Bien évidemment, ces données très générales ne disent rien de la fréquence d’utilisation des différentes options audio, ni du temps passé sur chacun. Ce dernier point est la mission d’une étude comme Audio Time, qui en 2022 nous enseignait qu’en Flandre, la FM pesait encore 54% du temps d’écoute live contre 25% pour le DAB+, suivi à bonne distance par les autres moyens. Côté francophone, toujours selon Audio Time, la domination de la FM dans le volume d’écoute était encore plus nette : 60% du temps consacré à la radio live, contre 16% pour le DAB+ et 12% à la radio via une télévision. Ce qui est mesuré par la source RAM relève plutôt de la notoriété. Mais ce jaugeage régulier offre d’intéressantes possibilités d’analyser l’historique et de repérer ce qui change ou ne change pas. A cet égard, la résistance de la FM est plutôt remarquable. A côté, la marche en avant du DAB+ est certes régulière, mais cette radio en diffusion numérique reste pour le moment encore très nettement minoritaire.
Étude exclusive de Space, Pulsar s’intéresse principalement aux aptitudes de différents points de contacts à remplir des tâches de communication. Son objectif premier est d’informer des stratégies médias et hors médias. Pour compléter ce volet principal, l’étude comporte une série de questions sur les habitudes de consommation, dont notamment les sources utilisées par les consommateurs pour leurs décisions d’achat. Réalisée cet été, l’édition 2023 permet d’actualiser les résultats d’une série de 11 options, qui vont de l’informel - les avis des proches - au plus formalisé, tels le rédactionnel dans les médias ou les avis de consommateurs. Comme dans l’édition précédente, on trouve un tiercé de tête constitué de confiance dans les marques, de promotions et de perception de qualité, qui sont pratiquement à parité les trois critères les plus cités (dans l’édition précédente, c’était les promotions qui dominaient, mais d’une très courte tête). C’est donc le subjectif et la gratification immédiate qui l’emportent dans les critères de choix, alors que des approches plus objectivées ou plus collectives se retrouvent en queue de classement : on pense ici au rédactionnel média, aux avis de consommateurs ou aux comparateurs de prix. Ceci étant, même dans ces cas-là, les proportions d’avis favorables ne sont pas minces, puisqu’elles dépassent les 60%. Une approche par affinité - techniquement, une analyse factorielle de correspondances - révèle que les critères de choix se structurent principalement selon l’âge et dans une moindre mesure selon le degré d’instruction des répondants. Ainsi, les individus les plus instruits ou les plus favorisés tendent à privilégier des sources externes, comme l’avis de proches (surtout), les avis d’autres consommateurs ou des résultats de tests. La confiance dans les marques, le souci de la qualité ou la prise en compte de la réputation rassurent plutôt des consommateurs âgés, probablement forts de leur expérience. Mais toujours forts de leur expérience, les répondants plus matures ne crachent pas sur une offre d’essai ou un échantillon : ils peuvent donc être très concrets. Les individus moins favorisés seraient plutôt sélectifs sur les promotions (ce qu’on comprend bien) et le contenu des médias (ce qui est plus surprenant). Mais on est bien ici dans une approche qualitative : pour la majorité des consommateurs, jeunes, vieux, actifs ou moins favorisés, les marques doivent idéalement avoir une stature - réputation et qualité - et une certaine générosité -voir la bonne tenue des promotions dans les critères de choix. Les papes de l’efficacité marketing, Les Binet et Peter Field, ne parlent pas d’autre chose lorsqu’ils vantent le nécessaire équilibre entre construction de marque et activation : c’est aussi ce qu’on retrouve dans les best practices inspirées de Pulsar.
... il est toutefois probable que nos compatriotes n’appliquent pas toujours et partout les différents moyens de protéger leur confidentialité en ligne ou d’éviter la publicité. Car leur utilisation est assez répandue : en matière de privacy, plus de 75% des 12 ans et plus disent appliquer au moins un moyen parmi les neuf propositions, ce qui représente une augmentation de 5% par rapport à un an auparavant. Les solutions de blocage de la publicité sont moins répandues, avec "seulement" 62% de pénétration, mais ici aussi avec une hausse de 5% par rapport à l’année précédente. Ces augmentations sont principalement le fait des néerlandophones, car du côté Sud on est dans un scénario de quasi-stabilité (+1%). De sorte que la pénétration nette des différents dispositifs proposés est maintenant pratiquement équilibrée entre les deux communautés linguistiques. Le refus des cookies ou du partage d’informations sont les comportements les plus répandus, et s’avèrent relativement équilibrés entre francophones et néerlandophones. Certains procédés peuvent néanmoins être plus populaires d’un côté ou l’autre de la frontière linguistique : c’est clairement le cas de l’adblocker, plus répandu au Sud. Contrairement à ce qu’on aurait pu croire, les profils d’utilisation nets - agrégation donc de toutes les propositions - ne sont pas si divergents. Il y a bien une utilisation plus intensive des différents moyens dans la tranche d’âge 18-34 ans, mais on ne peut pas parler d’un effondrement par la suite. Les groupes sociaux les plus favorisés, 1 et 2, sont proportionnellement plus adeptes des différents échappatoires, et leur pénétration diminue bien avec le statut socio-professionnel, mais là aussi les différences ne sont pas gigantesques. Avec ses 6.300 interviews, l’Establishment Survey version 2022-2023 nous montre donc que de larges proportions de Belges disent activement protéger la confidentialité de leurs données ou éviter la publicité en ligne. Concernant cette dernière, on peut constater que les pourtant célèbres bloqueurs de pub ne sont pas le moyen principal d’échapper à la "réclame" en ligne. Heureusement pour l’ensemble de la profession, les différents comportements d’évitement ne s’appliquent pas nécessairement à tous les appareils utilisés, ni à toutes les activités en ligne. Ces chiffres sonnent néanmoins comme une mise en garde : la plupart de nos compatriotes connaissent les moyens de se rendre invisibles dans le monde digital. Il s’agit de leur donner de bonnes raisons de ne pas l’être systématiquement.
Les résultats de l’Enquête fédérale sur le budget des ménages (ou HBS pour Household Budget Survey) viennent d’être publiés pour l’année 2022. Il s’agit pour rappel d’une étude réalisée tous les deux ans auprès de plus de 6.000 ménages (5.000 pour l’édition 2022) qui renseignent de manière très précise leurs dépenses dans tous les domaines, depuis les achats courants jusqu’aux frais liés à leur logement ou leur mobilité. Cette édition est la sixième organisée suivant une nomenclature renouvelée en 2012. Ces données permettent de dégager certaines tendances. Nous avons établi une petite sélection de dépenses liées de près ou de loin aux médias. En premier lieu celles liées aux journaux et périodiques. Important à savoir : depuis 2016, la sous-rubrique "abonnements aux journaux" tient compte également de l’achat d’accès en ligne, puisqu’elle est libellée "papier ou Internet" depuis lors. Cette prise en compte au moins partielle des accès payants à l’information digitale ne parvient néanmoins pas à enrayer le recul constant de cette rubrique, tombée à 81 euros par an et par ménage en 2022, soit la moitié de la valeur mesurée 10 ans plus tôt. C’est assez différent de la trajectoire des "packs numériques TV" qui englobent les différentes offres packagées type "triple/quadruple play" des opérateurs de télécommunications. On notait ici une augmentation de plus de 10% de la valeur moyenne à chaque édition depuis 2014, mais la croissance constatée au cours de cette dernière édition est moins importante (moins de 4%). On est cependant toujours sur une pente ascendante sur ces packs numériques TV. Plus étonnant peut-être, le trajet en dents de scie des appareils de gaming (agrégation de trois rubriques : jeux, consoles et accessoires), qu’on aurait plutôt cru en belle ascension. Toutefois s’agissant de hardware, l’engouement est peut-être ailleurs, dans les jeux en ligne où l’accès n’est pas nécessairement payant, ou lié à un ordinateur ou un smartphone, bref sans "device" particulier. Le dernier élément analysé ici concerne les tickets et abonnements de cinéma. On le sait, le secteur a connu un énorme coup d’arrêt avec la pandémie, de sorte que la dépense mesurée en 2020 se limitait à un gros tiers de celle de 2018, qui a représenté un maximum dans la série. Statbel, l’auteur de l’étude, note que l’édition 2022 consacre une reprise vigoureuse des dépenses de loisirs "out of home", celles notamment liées à l’HORECA. Le cinéma a donc connu une trajectoire semblable, même si le niveau de dépense moyenne ramène grosso modo à la situation qui prévalait en 2016. Par ailleurs, l’ensemble des dépenses des ménages a fortement augmenté en 2022 : +14% par rapport à 2020 ou +9% par rapport à 2018, qu’on peut considérer comme une année normale. Cette hausse du chiffre global explique pourquoi une rubrique comme les packs TV, en croissance nominale, régresse toutefois en termes de part du total des dépenses. Pour la hausse de celles-ci, l’inflation est sans doute passée par là, ainsi qu’un peu de revanche par rapport à la période de restrictions qui a eu cours au moment de la crise Covid.
RTL Belgium vient d’actualiser son "Video Observer" : réalisée en mai 2023 auprès de 2.300 répondants francophones, cette troisième édition est encore plus clairement sous le signe de la diversité. Comme précédemment, l’approche est en grand angle sur la consommation vidéo quel que soit l’écran - écran TV classique, smartphone, tablette, PC - et quelle que soit la nature du canal - télévision, Internet, DVD et même le cinéma. Elle confirme que la consommation globale de vidéo reste longue : nettement plus de 3 heures par jour. Par rapport aux éditions précédentes - celle de 2018 (surtout) et celle de 2021 -, ce qui frappe, c’est la croissance de la consommation "à la carte" : on parle ici de SVOD - Netflix, Amazon Prime, Disney+ par exemple - de plateformes replay à la Auvio ou RTL Play, ou simplement de vision différée. La consommation vidéo s’émancipe des grilles horaires, avec une télévision live qui représente 40% aujourd’hui du total du temps de vision, contre 50% en 2018. Les acteurs audiovisuels locaux restent majoritaires, à 58% du total actuel, si on prend en compte la vision différée (TSV, pour Time Shift Viewing dans notre graphe) et les plateformes Broacaster Video on Demand (BVOD). Dans cet univers vidéo, la concurrence est multiforme : ce que l’institut anglais BARB (le CIM d’outre-Manche) appelle « video sharing » comprend l’incontournable YouTube, mais aussi les contenus vidéo visibles sur les médias sociaux. Toutes ces solutions s’arrogent aujourd’hui 18% du temps de consommation vidéo. Les ayant droit concernés se réjouiront par ailleurs de voir la durée de vision des séries ou films téléchargés - euphémisme pour les contenus piratés, au moins en partie - diminuer par rapport aux éditions précédentes. Avec les données de 2023, RTL opère aussi une découpe très précise des comportements, allant jusqu’au détail par chaîne de télévision (RTL TVI vs La Une, par exemple) ou par plateforme (Netflix vs Amazon Prime, Facebook vs TikTok du côté des acteurs internationaux). Une fois agrégés, ces résultats permettent une vision transversale par "marque média". L’occasion d’apprendre que dans ce nouvel ordre de la vidéo linéaire et non-linéaire, YouTube occupe en budget temps la troisième place chez les francophones et Netflix la cinquième, mais que les deux premiers niveaux du podium sont trustés par les acteurs locaux, RTL et RTBF, au coude-à-coude. Bref, selon l’humeur, on peut parler de complexité ou de convergence. On est en tout cas pleinement dans une ère de "total video".
On le sait, la publicité digitale est largement entre les mains des grandes plateformes internationales. Dans certains canaux digitaux, comme les médias sociaux ou l’achat de mots-clés, il n’y a tout simplement que ces plateformes. Mais que signifie exactement ce "largement" ? Pas mal d’estimations circulent et ne datent parfois pas d’aujourd’hui (on pense à l’étude Econopolis de 2014, mais il y en a d’autres). Tout récemment, s’agissant du 1er semestre 2023, le Syndicat des Régies Internet (France) affirme : « le trio Google-Meta-Amazon (GMA) représente toujours plus des deux tiers du marché (69%) », le marché étant celui de la publicité digitale. De son côté, le World Advertising Research Centre (WARC) rapporte le chiffre d’affaires global d’une série de grandes corporations sur plusieurs années. Ses prévisions relatives à 2023 font état d’une part de 36% de l’ensemble de la pub digitale pour Alphabet, maison-mère de Google (avec 26% rien que pour Google Search) et 19% pour Meta. Le top 5 monte à 72% lorsqu’on inclut les plateformes déjà citées plus Amazon, Alibaba et ByteDance, la maison-mère de TikTok. Voilà pour le global. Ces données ne sont pas disponibles pour la Belgique. Cela étant, le Benchmark Digital, tout récemment publié par les membres United Media Agencies (UMA) et quelques autres agences, a actualisé ses données sur l’allocation des investissements entre acteurs locaux et internationaux pour les six premiers mois de 2023. La répartition globale est pratiquement identique à celle qui prévalait un an auparavant : 60% de la valeur échoit aux plateformes internationales et 40% aux acteurs locaux. Dans le périmètre du Benchmark UMA, on se situe donc nettement en-dessous des ratios évoqués plus haut. Si maintenant on restreint l’analyse aux canaux où il y a effectivement concurrence, la part du local grimpe à 68% contre 32% pour les acteurs internationaux. Bref, les chiffres des agences traduisent une grande attention pour les acteurs locaux de la pub digitale, contribuant ainsi à la vitalité de l’écosystème belge de la pub. Malheureusement, le périmètre UMA ne couvre pas l’ensemble du marché : il ne se rapporte qu’à l’activité des agences participantes, qui représentent une part très importante, mais non exhaustive. Des données plus complètes sur la pub digitale, incluant donc aussi les achats directs par de grands annonceurs et le "long tail", le cumul des petits comptes, devraient révéler une répartition de l’investissement beaucoup plus tournée vers les acteurs internationaux, avec des ratios approchant les 70% en faveur des plateformes internationales. C’est dire si la présence des agences dans la chaîne de valeur publicitaire est un précieux plus pour l’écosystème local.
Le podcast a la cote. Internationalement, il participe à un certain renouveau de l’audio. Il a également la cote chez les annonceurs : selon l’étude Media Reactions de Kantar, les perspectives d’investissements publicitaires en podcasts sont en forte hausse, aussi bien pour l’année en cours que pour la prochaine, et ce au niveau global. Pas sûr néanmoins que la tendance soit aussi favorable en Belgique : l’étude Matrix de BAM rapporte d’ailleurs une baisse de la part des podcasts dans l’ensemble de ses derniers chiffres de la pub digitale. Si on se penche sur l’évolution des audiences des podcasts, on peut la voir de manière plutôt positive et parler de maturité. Ou de stagnation si on le voit moins positivement. Selon les données du Digital News Report (DNR), la pénétration du média évolue très peu, même si on peut noter des mouvements contrastés entre Nord (tendanciellement en hausse) et Sud (plutôt en repli). Cependant, les variations sensibles d’une année à l’autre ne témoignent pas vraiment de trajectoires rectilignes auprès des Belges de 18 ans qui sont interrogés dans le cadre de l’étude annuelle DNR. Celle-ci aborde en fait la consommation des podcasts à l’aide de 5 thématiques : comme on peut le voir, dans les données 2023, ces 5 genres font à peu près jeu égal, à l’exception de la thématique sportive, nettement moins appréciée que les autres. Une autre source permet de suivre la consommation déclarée de podcasts : l’étude trimestrielle Global Web Index, menée cette fois auprès de répondants belges de 16 à 64 ans. Le canal des podcasts y a été intégré en 2020 et est suivi depuis sans interruption. Ce qui permet de montrer qu’aussi bien en pénétration qu’en durée de consommation, comme dans notre graphique, l’évolution du podcast est plutôt stationnaire. Ici aussi, l’impression est que la consommation du podcast est actuellement sur un plateau. A moins évidemment d’un rebond encore à venir. Mais aujourd’hui d’une manière générale, et sur base de sources différentes, mais concordantes, les compteurs du podcast semblent actuellement bien coincés dans notre pays. Ceci alors qu’ils semblent plutôt enfiévrés hors de nos frontières.