Seen from Space
Les résultats de l’Enquête fédérale sur le budget des ménages (ou HBS pour Household Budget Survey) viennent d’être publiés pour l’année 2022. Il s’agit pour rappel d’une étude réalisée tous les deux ans auprès de plus de 6.000 ménages (5.000 pour l’édition 2022) qui renseignent de manière très précise leurs dépenses dans tous les domaines, depuis les achats courants jusqu’aux frais liés à leur logement ou leur mobilité. Cette édition est la sixième organisée suivant une nomenclature renouvelée en 2012. Ces données permettent de dégager certaines tendances. Nous avons établi une petite sélection de dépenses liées de près ou de loin aux médias. En premier lieu celles liées aux journaux et périodiques. Important à savoir : depuis 2016, la sous-rubrique "abonnements aux journaux" tient compte également de l’achat d’accès en ligne, puisqu’elle est libellée "papier ou Internet" depuis lors. Cette prise en compte au moins partielle des accès payants à l’information digitale ne parvient néanmoins pas à enrayer le recul constant de cette rubrique, tombée à 81 euros par an et par ménage en 2022, soit la moitié de la valeur mesurée 10 ans plus tôt. C’est assez différent de la trajectoire des "packs numériques TV" qui englobent les différentes offres packagées type "triple/quadruple play" des opérateurs de télécommunications. On notait ici une augmentation de plus de 10% de la valeur moyenne à chaque édition depuis 2014, mais la croissance constatée au cours de cette dernière édition est moins importante (moins de 4%). On est cependant toujours sur une pente ascendante sur ces packs numériques TV. Plus étonnant peut-être, le trajet en dents de scie des appareils de gaming (agrégation de trois rubriques : jeux, consoles et accessoires), qu’on aurait plutôt cru en belle ascension. Toutefois s’agissant de hardware, l’engouement est peut-être ailleurs, dans les jeux en ligne où l’accès n’est pas nécessairement payant, ou lié à un ordinateur ou un smartphone, bref sans "device" particulier. Le dernier élément analysé ici concerne les tickets et abonnements de cinéma. On le sait, le secteur a connu un énorme coup d’arrêt avec la pandémie, de sorte que la dépense mesurée en 2020 se limitait à un gros tiers de celle de 2018, qui a représenté un maximum dans la série. Statbel, l’auteur de l’étude, note que l’édition 2022 consacre une reprise vigoureuse des dépenses de loisirs "out of home", celles notamment liées à l’HORECA. Le cinéma a donc connu une trajectoire semblable, même si le niveau de dépense moyenne ramène grosso modo à la situation qui prévalait en 2016. Par ailleurs, l’ensemble des dépenses des ménages a fortement augmenté en 2022 : +14% par rapport à 2020 ou +9% par rapport à 2018, qu’on peut considérer comme une année normale. Cette hausse du chiffre global explique pourquoi une rubrique comme les packs TV, en croissance nominale, régresse toutefois en termes de part du total des dépenses. Pour la hausse de celles-ci, l’inflation est sans doute passée par là, ainsi qu’un peu de revanche par rapport à la période de restrictions qui a eu cours au moment de la crise Covid.
RTL Belgium vient d’actualiser son "Video Observer" : réalisée en mai 2023 auprès de 2.300 répondants francophones, cette troisième édition est encore plus clairement sous le signe de la diversité. Comme précédemment, l’approche est en grand angle sur la consommation vidéo quel que soit l’écran - écran TV classique, smartphone, tablette, PC - et quelle que soit la nature du canal - télévision, Internet, DVD et même le cinéma. Elle confirme que la consommation globale de vidéo reste longue : nettement plus de 3 heures par jour. Par rapport aux éditions précédentes - celle de 2018 (surtout) et celle de 2021 -, ce qui frappe, c’est la croissance de la consommation "à la carte" : on parle ici de SVOD - Netflix, Amazon Prime, Disney+ par exemple - de plateformes replay à la Auvio ou RTL Play, ou simplement de vision différée. La consommation vidéo s’émancipe des grilles horaires, avec une télévision live qui représente 40% aujourd’hui du total du temps de vision, contre 50% en 2018. Les acteurs audiovisuels locaux restent majoritaires, à 58% du total actuel, si on prend en compte la vision différée (TSV, pour Time Shift Viewing dans notre graphe) et les plateformes Broacaster Video on Demand (BVOD). Dans cet univers vidéo, la concurrence est multiforme : ce que l’institut anglais BARB (le CIM d’outre-Manche) appelle « video sharing » comprend l’incontournable YouTube, mais aussi les contenus vidéo visibles sur les médias sociaux. Toutes ces solutions s’arrogent aujourd’hui 18% du temps de consommation vidéo. Les ayant droit concernés se réjouiront par ailleurs de voir la durée de vision des séries ou films téléchargés - euphémisme pour les contenus piratés, au moins en partie - diminuer par rapport aux éditions précédentes. Avec les données de 2023, RTL opère aussi une découpe très précise des comportements, allant jusqu’au détail par chaîne de télévision (RTL TVI vs La Une, par exemple) ou par plateforme (Netflix vs Amazon Prime, Facebook vs TikTok du côté des acteurs internationaux). Une fois agrégés, ces résultats permettent une vision transversale par "marque média". L’occasion d’apprendre que dans ce nouvel ordre de la vidéo linéaire et non-linéaire, YouTube occupe en budget temps la troisième place chez les francophones et Netflix la cinquième, mais que les deux premiers niveaux du podium sont trustés par les acteurs locaux, RTL et RTBF, au coude-à-coude. Bref, selon l’humeur, on peut parler de complexité ou de convergence. On est en tout cas pleinement dans une ère de "total video".
On le sait, la publicité digitale est largement entre les mains des grandes plateformes internationales. Dans certains canaux digitaux, comme les médias sociaux ou l’achat de mots-clés, il n’y a tout simplement que ces plateformes. Mais que signifie exactement ce "largement" ? Pas mal d’estimations circulent et ne datent parfois pas d’aujourd’hui (on pense à l’étude Econopolis de 2014, mais il y en a d’autres). Tout récemment, s’agissant du 1er semestre 2023, le Syndicat des Régies Internet (France) affirme : « le trio Google-Meta-Amazon (GMA) représente toujours plus des deux tiers du marché (69%) », le marché étant celui de la publicité digitale. De son côté, le World Advertising Research Centre (WARC) rapporte le chiffre d’affaires global d’une série de grandes corporations sur plusieurs années. Ses prévisions relatives à 2023 font état d’une part de 36% de l’ensemble de la pub digitale pour Alphabet, maison-mère de Google (avec 26% rien que pour Google Search) et 19% pour Meta. Le top 5 monte à 72% lorsqu’on inclut les plateformes déjà citées plus Amazon, Alibaba et ByteDance, la maison-mère de TikTok. Voilà pour le global. Ces données ne sont pas disponibles pour la Belgique. Cela étant, le Benchmark Digital, tout récemment publié par les membres United Media Agencies (UMA) et quelques autres agences, a actualisé ses données sur l’allocation des investissements entre acteurs locaux et internationaux pour les six premiers mois de 2023. La répartition globale est pratiquement identique à celle qui prévalait un an auparavant : 60% de la valeur échoit aux plateformes internationales et 40% aux acteurs locaux. Dans le périmètre du Benchmark UMA, on se situe donc nettement en-dessous des ratios évoqués plus haut. Si maintenant on restreint l’analyse aux canaux où il y a effectivement concurrence, la part du local grimpe à 68% contre 32% pour les acteurs internationaux. Bref, les chiffres des agences traduisent une grande attention pour les acteurs locaux de la pub digitale, contribuant ainsi à la vitalité de l’écosystème belge de la pub. Malheureusement, le périmètre UMA ne couvre pas l’ensemble du marché : il ne se rapporte qu’à l’activité des agences participantes, qui représentent une part très importante, mais non exhaustive. Des données plus complètes sur la pub digitale, incluant donc aussi les achats directs par de grands annonceurs et le "long tail", le cumul des petits comptes, devraient révéler une répartition de l’investissement beaucoup plus tournée vers les acteurs internationaux, avec des ratios approchant les 70% en faveur des plateformes internationales. C’est dire si la présence des agences dans la chaîne de valeur publicitaire est un précieux plus pour l’écosystème local.
Le podcast a la cote. Internationalement, il participe à un certain renouveau de l’audio. Il a également la cote chez les annonceurs : selon l’étude Media Reactions de Kantar, les perspectives d’investissements publicitaires en podcasts sont en forte hausse, aussi bien pour l’année en cours que pour la prochaine, et ce au niveau global. Pas sûr néanmoins que la tendance soit aussi favorable en Belgique : l’étude Matrix de BAM rapporte d’ailleurs une baisse de la part des podcasts dans l’ensemble de ses derniers chiffres de la pub digitale. Si on se penche sur l’évolution des audiences des podcasts, on peut la voir de manière plutôt positive et parler de maturité. Ou de stagnation si on le voit moins positivement. Selon les données du Digital News Report (DNR), la pénétration du média évolue très peu, même si on peut noter des mouvements contrastés entre Nord (tendanciellement en hausse) et Sud (plutôt en repli). Cependant, les variations sensibles d’une année à l’autre ne témoignent pas vraiment de trajectoires rectilignes auprès des Belges de 18 ans qui sont interrogés dans le cadre de l’étude annuelle DNR. Celle-ci aborde en fait la consommation des podcasts à l’aide de 5 thématiques : comme on peut le voir, dans les données 2023, ces 5 genres font à peu près jeu égal, à l’exception de la thématique sportive, nettement moins appréciée que les autres. Une autre source permet de suivre la consommation déclarée de podcasts : l’étude trimestrielle Global Web Index, menée cette fois auprès de répondants belges de 16 à 64 ans. Le canal des podcasts y a été intégré en 2020 et est suivi depuis sans interruption. Ce qui permet de montrer qu’aussi bien en pénétration qu’en durée de consommation, comme dans notre graphique, l’évolution du podcast est plutôt stationnaire. Ici aussi, l’impression est que la consommation du podcast est actuellement sur un plateau. A moins évidemment d’un rebond encore à venir. Mais aujourd’hui d’une manière générale, et sur base de sources différentes, mais concordantes, les compteurs du podcast semblent actuellement bien coincés dans notre pays. Ceci alors qu’ils semblent plutôt enfiévrés hors de nos frontières.
+3% : au premier semestre 2023, le total MDB Nielsen aura progressé de trois maigres pourcents par rapport au premier semestre 2022. Autant dire rien, une croissance furtive pour le monde des médias offline de notre pays. Croissance furtive, car les cartes tarifaires des médias traditionnels, qui constituent la référence des données Nielsen, ont reflété d’une manière plus ou moins importante la très forte inflation belge de l’année 2022 (pratiquement 10% selon les chiffres du SPF Economie). Bref, cette évolution minimaliste est probablement symptomatique d’une baisse en termes réels. Même comme cela, on constate malheureusement des régressions en données courantes du côté des médias papier, le DM et les magazines. Sur ce dernier média, les toutes récentes communications de Roularta confirment que la pub magazines n’est pas vraiment à la fête. Seul finalement l’out of home tire réellement son épingle du jeu : la croissance de 14% qu’il affiche dans les données Nielsen rend certainement compte d’une réelle progression en ce premier semestre 2023. Ce ratio de croissance est d’ailleurs tout proche des 13% annoncés par le benchmark UMA pour l’OOH sur la même période. En parts du total de l’univers Nielsen, la télévision confirme son leadership, mais en flirtant avec les 12% l’out of home -encore lui- est le média qui progresse le plus également en relatif. La vitalité de certains secteurs, comme l’horeca, le tourisme ou l’événementiel semble montrer que la période COVID est maintenant loin derrière nous. On note aussi des rattrapages dans des catégories qui avaient freiné leurs investissements ces dernières années comme les télécoms et l’automobile. Bref, dans certains cas, ça repart. Reste un bémol, malheureusement connu depuis longtemps. On sait que les investissements médias sont actuellement plutôt tirés par le digital. Pour l’out of home, le benchmark UMA fait état d’une croissance de 10% pour l’affichage classique, mais de 15% pour l’affichage digital. Dans son monde, qui estime la valeur nette du marché belge, tous médias confondus, le World Advertising Research Centrer estime que la progression du digital est pratiquement le triple de celle des médias offline en Belgique au cours du premier semestre 2023 par rapport à la même période un an auparavant. Bref, s’agissant des médias traditionnels, la croissance du marché pub est pour une bonne part ailleurs, on le sait, mais il est actuellement très difficile de le démontrer.
Voici peu une étude réalisée aux Etats-Unis enfonçait le recours aux influenceurs par les marques : les consommateurs interrogés se disaient finalement très peu… influencés par les célébrités plus ou moins avérées passées au service des annonceurs. Les avis des proches ou des consommateurs "normaux" s’avéraient nettement plus convaincants pour une majorité de répondants. L’étude en question provenait d’une entreprise spécialisée dans l’UGC, User Generated Content, donc il y avait quand même derrière un peu de plaidoyer pro domo. Revenons chez nous, où la problématique des influenceurs a été traitée par les autorités, notamment le SPF Economie, et ferait l’objet de l’attention du fisc belge. Même si elle est très générale ("Comment vous informez-vous habituellement à propos de nouveaux produits ou marques ?"), une question du Global Web Index peut éclairer sur les canaux d’influence spécifiques aux Belges de 16 à 64 ans. Avec si on le veut une perspective historique, puisque cette question est posée aux répondants belges depuis le 2e trimestre de 2015. Notre graphique reprend l’état actuel des 20 propositions les plus fréquemment citées, sur un total de 33. Sans trop de surprise, les recommandations des proches occupent une position très élevée dans ce classement de l’influence, où ils côtoient selon les segments de population concernés les moteurs de recherche, la pub TV (et oui, même chez les "millenials" !) ou les cadeaux et offres gratuites très appréciées des francophones. Et les influenceurs ? On ne pose pas spécifiquement la question sur ce type de communication, mais on peut néanmoins en approcher. Ainsi, une notion plutôt voisine, qui couvre les recommandations et commentaires sur les médias sociaux, score assez moyennement, sauf peut-être sur les aficionados des réseaux sociaux, ceux qui disent y passer au moins trois heures par jour. Quant à une autre source "recommandation par des célébrités ou des personnalités bien connues", qu’on peut légitimement rapprocher de la notion d’influenceur, c’est bien simple : on n’est plus dans le top 20. Cette source d’information figure en 28e position chez l’ensemble des répondants belges, 22e chez les gros consommateurs de médias sociaux et 24e chez les moins de 35 ans. Bref, en général, dans le cadre de la question très – trop – large du Global Web Index, l’influence marketing se joue en "off" ou en "on", via les médias ou via les interactions personnelles, mais nettement moins via celles et ceux qui en "font commerce".
Le CIM vient de communiquer à propos de l’extension de sa mesure TV vers "d’autres écrans" : comprenez les appareils qui permettent de visionner du contenu TV à côté de ce que le CIM qualifie de "premier écran", soit la télévision qui trône généralement dans les salons. Attention : à l’intérieur de son panel, l’étude CIM TV mesurait déjà tous les "premiers écrans" des foyers. En effet, si à côté du poste principal de télévision, d’autres sont présents, par exemple dans une chambre, une cuisine, etc., ils sont également mesurés. Mais finalement, quelle est la place de ce "premier écran" dans l’ensemble des dispositifs qui permettent de consommer du contenu TV ou vidéo ? C’est une question qu’adresse le Global Web Index (GWI), sondage en ligne effectué en continu dans différents marchés dont la Belgique. Pour son focus sur les appareils utilisés, l’étude opère en outre une distinction entre TV "classique" et les usages plus à la carte, à la demande ou en streaming. Selon les dernières données disponibles (12 mois, se terminant au 31 mars 2023), sur l’ensemble des répondants de l’étude, soit les 16-64 ans connectés à Internet, il n’y a pas photo : l’écran de télévision reste le mode le plus fréquemment cité pour visionner du contenu TV classique. Il est donc encore aujourd’hui le "premier écran". Celui-ci est aussi le plus apprécié pour les autres types de contenu vidéo, on-demand et streaming, mais il campe là face à une concurrence plus forte des ordinateurs (desktop ou laptop) ou des appareils mobiles. On note très peu de différences sur le plan de la langue des répondants. Par contre, les individus qui se déclarent possesseurs d’une TV connectée ou abonnés à un service payant (type Netflix, Disney+, Streamz, etc) consomment les contenus vidéo "non linéaires" assez massivement sur le "premier écran". Celui-ci reste sans doute synonyme de confort de vision et d’écoute. Les 16-24 ans ont des utilisations beaucoup plus variées des différents appareils. Chez eux, l’écran de TV reste la porte d’entrée principale pour la télévision classique, mais dans une proportion nettement moindre que chez leurs aînés. Et pour les contenus vidéo moins classiques, les 16-24 ans se montrent assez éclectiques, privilégiant pour cela les ordinateurs, suivis (de peu) par le récepteur TV classique et puis par les appareils mobiles, mais de plus loin. D’une manière générale, les "deuxièmes écrans" (comprenez autres que les récepteurs TV classiques) sont plus utilisés pour les contenus vidéo non linéaires que pour les émissions de TV plus classiques. Une dernière remarque importante : la question du GWI porte sur l’utilisation des appareils, quelle qu’en soit la durée. Il serait intéressant d’avoir également la répartition du temps consacré aux différents "écrans". On peut parier que dans ce cas, la domination du "premier écran" serait encore plus grande. Question encore une fois de confort.
S’il y a un domaine où les chiffres CIM montraient une remarquable continuité dans leurs définitions, c’est bien l’authentification de la diffusion des marques de presse. Ramené à une seule publication par an sous l’impulsion des éditeurs, le suivi CIM de la distribution de la presse - autrefois trimestriel - n’était évidemment pas resté statique : il avait intégré les exemplaires digitaux payants "similaires au papier", ce qu’on appelle "replica". Plus récemment, les données de diffusion intégraient les "accès payants au site non couplés à l’édition digitale ou à l’édition papier", ce qui est repris sous l’appellation "Web only". Mais chacun des canaux considérés - print, digital replica et Web - avançait jusqu’ici sagement dans son couloir. La rupture des résultats de 2022 tient en une nouvelle colonne hybride, intitulée "alternate", qui reprend les abonnements alternant exemplaires papier et exemplaires digitaux "replica". Ce n’est pas que ce type d’abonnement soit nouveau, mais la procédure appliquée jusqu’ici a paru fastidieuse à certains éditeurs : on réattribuait à chacun des deux modes de diffusion, papier vs replica, les différents exemplaires au prorata du nombre de jours concernés. Apparaît donc aujourd’hui une nouvelle catégorie hybride qui rompt la continuité avec les éditions passées et oblige maintenant à globaliser l’ensemble des modes de diffusion. Curieusement, tous les éditeurs déclarant n’ont pas suivi cette nouvelle méthode et la case "alternate" reste vide chez IPM, en tout cas pour La Libre Belgique et La Dernière Heure. Mis à part pour ces deux titres, la comparaison avec le passé n’est donc plus de mise si on veut faire une distinction entre ventes papier et ventes d’exemplaires électroniques. Ces derniers représentent au moins 26% du total des ventes si on cumule les actuels "replica" et "Web only", mais une proportion indéterminée de produits digitaux se trouve également derrière la rubrique "alternate". Selon les régions et les titres, les proportions de chacun des quatre canaux de vente peuvent varier énormément. Voilà pour la rupture. Ce qui ne change pas par contre, c’est que les données 2022 qui viennent d’être publiées résultent de déclarations des éditeurs. Cet automne, à l’occasion de la publication des données d’audience, le CIM devrait dévoiler les chiffres 2022 dûment authentifiés cette fois : un auditeur externe aura contrôlé les données de diffusion communiquées par les éditeurs et les aura éventuellement rectifiées. C’est l’intérêt de l’authentification : les déclarations sont vérifiées par une partie tierce qui les valide ou non, et donc procure au marché publicitaire une information certifiée. Une leçon à méditer pour les plateformes technologiques dont les données sont souvent produites par elles-mêmes sans aucun contrôle externe.
Le rachat de VOO par Orange est maintenant autorisé par les autorités européennes. On va donc assister à une consolidation qui ramènera le nombre de grands fournisseurs d’accès présents sur le sol belge à trois. Avec quelle forces en présence ? L’Establishment Survey du CIM nous en donne une bonne approximation. Approximation pour deux raisons : d’abord il s’agit d’un sondage basé sur des déclarations, ensuite les questions utilisées ici portent sur la fourniture d’accès à la télévision. On peut parfaitement être client chez un opérateur pour la télévision et chez un autre pour la téléphonie ou Internet. Cette situation est normalement assez rare si on croit l’IBPT, instance de régulation des télécoms. Selon cet organisme, près de 80% des répondants à sa propre enquête déclaraient souscrire à une offre multiple comprenant la télévision et selon les cas, Internet, téléphonie fixe ou mobile, avec le "triple play" internet + téléphonie fixe + télévision comme option la plus courante. Par ailleurs, on serait évidemment plus correct avec un dénombrement des contrats privés effectifs. Or les données IBPT sur ce plan ne sont ni très précises (des fourchettes de parts de marché) ni très à jour (les chiffres publiés s’arrêtent à 2021). Ceci étant, sur base des données CIM, on peut réellement parler de fiefs lorsqu’on examine les données par région. En effet, si Proximus est au niveau national le leader en termes de pénétration, l’ex-opérateur historique ne l'est leader que dans la partie Sud du pays. Côté flamand, le poids de Telenet est pratiquement le double de celui de Proximus. Acquéreur de VOO, Orange est à l’heure actuelle et sur le plan de la télévision un joueur assez modeste, mais sa pénétration par région est équivalente (environ 8% de chaque côté du pays). L’acquisition de VOO en fera un challenger très sérieux pour Proximus, mais à ce stade uniquement dans la partie Sud. D’où le renforcement de duopoles régionaux évoqués en titre. Attention toutefois : centrée sur la télévision, cette vue ne tient pas compte de la position d’Orange sur le plan de la téléphonie, surtout mobile, qui en fait probablement un acteur assez significatif.
En complément à la volumineuse étude IPSOS sur l’e-commerce en Belgique, nous avons creusé deux domaines où le Global Web Index (GWI) s’intéresse aux achats réalisés en ligne. Ceux-ci sont divisés en deux volets : faible importance ("minor") et achats plus conséquents ("major"). Le premier comprend aussi bien de l’alimentaire que des produits d’entretien, des vêtements, des livres ou magazines, et la question porte d’abord sur l’achat au cours du mois dernier, puis sur l’utilisation du canal digital pour cet achat. Les acquisitions plus importantes concernent l’ameublement, la technologie, les assurances ou l’automobile par exemple. Ici le questionnaire est plus élaboré : achat au cours des derniers 3 à 6 mois, information prise en ligne, intention d’achat et bien sûr la question « est-ce que l’achat a été réalisé en ligne ? ». Les produits ou services concernés par les deux volets sont regroupés en 6 catégories pour le "major purchases" (qui comporte plus de 50 propositions) et 8 catégories pour le "minor purchases", lequel contient plus de 80 propositions, parfois très détaillées. Ainsi par exemple, les produits pour bébés comportent 11 items, le vin est abordé en général puis en distinguant le blanc du rouge… En moyenne, c’est la catégorie "voyages et loisirs" qui est la plus fréquemment traitée en ligne : un répondant sur deux dit utiliser pour cela la voie virtuelle. Ce segment regroupe d’ailleurs les produits ou services les plus concernés par le commerce en ligne, puisque 59% des tickets de concert sont achetés via Internet, 56% des voyages ou encore 50% des vacances à l’étranger. Du côté des achats de moindre importance, c’est la catégorie "effets personnels" qui est la plus souvent achetée en ligne. Sous cette étiquette, on retrouve l’habillement, 43% d’achats via le Web, ou les chaussures à 39%. Une conclusion importante : même dans les secteurs où les achats en ligne sont les plus fréquents, il reste des proportions plus que significatives d’individus qui préfèrent l'offline pour leurs achats. Et il est important de rappeler ici que la source GWI est une enquête en ligne réalisée auprès d’individus de 16 à 64 ans. Si l’âge est un facteur important pour favoriser ou non l’achat en ligne, la population concernée ici exclut les seniors et les éventuels réfractaires à Internet. Donc les proportions d’achat "offline" telles qu’elles s’établissent avec le GWI sont très probablement inférieures à celles qui pourraient être déduites d’une vue plus complète sur la population belge. Enfin, sans surprise, on constate que les achats alimentaires les plus courants sont aussi ceux qui sont le moins virtualisés. Bref, nos magasins physiques ont encore toute leur pertinence.
Le Global Web Index (GWI) vient de livrer ses données portant sur le premier trimestre 2023. Cette étude transnationale en ligne constitue une source précieuse d’information sur les audiences des offres digitales sur le territoire belge : elle comporte non seulement les acteurs locaux suivis par le CIM, tels VTM GO, VRT MAX ou Auvio, mais aussi - c’est son avantage comparatif - les plateformes internationales comme Netflix, Amazon ou encore Disney+. Par souci de solidité statistique, nos graphiques sont basés sur un cumul des 4 dernières vagues, soit d’avril 2022 à 2023, plutôt que sur des résultats trimestriels, de façon à lisser les effets trop ponctuels. Pour chaque région linguistique, nous reprenons les 15 premières offres en termes de pénétration mensuelle, avec mention de l’usage quotidien, "daily reach" pour les initiés. A l’évidence, un classement établi sur ce daily reach aurait présenté quelques différences. Chez les néerlandophones, il aurait fait remonter Disney+ et Streamz chacun d’une place. Chez les francophones, il placerait Disney+ et Amazon Prime devant Auvio. De manière générale, ce classement illustre la force des plateformes internationales : quelle que soit la métrique utilisée, YouTube et Netflix dominent le classement, y compris en Flandre, pourtant très "accro" aux contenus locaux. Parlant de la Flandre, VTM GO et VRT MAX occupent de solides 3e et 4e positions, suivies par GoPlay, mais semblent être utilisées de manière plus épisodique que Netflix par exemple : signe d’un inventaire de contenus plus limité ? Remarque similaire pour Auvio, qui semble aussi souffrir d’un manque de régularité d’utilisation par rapport aux concurrents internationaux. Ces derniers s’avèrent très présents auprès du public francophone, lui-même apparemment plus friand de vidéo à la demande que son homologue flamand. Pour la Flandre, on sera attentif dans les prochains mois à l’évolution de Streamz : est-ce que l’offre hybride - coût de l’abonnement diminué en échange de publicité - désormais disponible arrivera à faire la différence pour ce "Netflix flamand" qui n’est pour le moment pas un grand succès ? Pour en revenir aux plateformes internationales SVOD, si Disney+ et Amazon Prime affichent une croissance sur base annuelle, la position de Netflix reste pour le moment largement dominante. Même en Flandre donc, où l’attrait marqué des consommateurs pour le "made in Flanders" ne semble pas aussi puissant pour la VOD que pour la télévision linéaire.
Une fois encore, le regard que l’on peut porter sur la valeur de notre marché média dépend largement de la source et même du point de vue que l’on prend avec les données disponibles. S’agissant du premier trimestre 2023, l’organe officiel MBD-Nielsen est donc limité aux médias offline. En données faciales - un des points de vue possibles -, on peut parler d’une légère croissance, avec une progression de l’ordre de 1% par rapport aux trois premiers mois de 2022. Une croissance inégalement répartie entre les médias qui se remettent des affres de la période Covid tels l’affichage et le cinéma, et ceux qui affichent des ratios nettement moins flatteurs, comme le in-home advertising ou la presse régionale gratuite. Dans ce dernier cas, la catégorie se limite désormais au Groupe Vlan : ce type de presse semble donc "en voie d’extinction". Concernant la croissance faciale, il faut rappeler que Nielsen travaille à partir de tarifs publicitaires bruts. Or, dans beaucoup de médias, ceux-ci ont subi des hausses parfois fortes entre 2022 et 2023. Donc une valeur en hausse de 2% dans un contexte d’augmentation tarifaire de 5% revient en fait à une baisse de 3% en valeur constante. Alors bien sûr un calcul d’inflation est toujours dépendant de la méthode employée, que l’on soit le Service Public Fédéral Economie ou une agence média. Selon notre méthode, basée chaque fois que possible sur l’évolution du tarif moyen d’un format de référence, l’inflation tarifaire globale sur l’ensemble des médias offline est de 4,5%. Une moyenne pondérant des situations évidemment différentes selon les médias considérés. Résultat en constant : après déduction de l’inflation tarifaire, le premier trimestre 2023 accuse un retard de 3,5% par rapport à la situation d’un an auparavant. Autre point de vue sur la valeur du marché belge, celle du World Advertising Research Centre (WARC). Ici, l’institut estime la valeur nette du marché, en prenant en compte également les canaux digitaux. C’est évidemment plus complet, mais très global et pas vraiment transparent sur les méthodes utilisées. En l’état, le WARC donne pour le premier trimestre 2023 une situation très contrastée entre les médias traditionnels et le digital. Le second afficherait une hausse de pas moins de 24% par rapport au premier trimestre 2022, avec l’audio digital en pointe. Par contre, le WARC diagnostique une baisse de l’ordre de 4% pour l’ensemble des médias offline (encore que les termes "newsbrands" et "magazine brands" laisseraient entendre que les déclinaisons digitales de la presse sont prises en compte). Hasard ou non, le -4% des médias offline selon le WARC n’est pas fondamentalement contradictoire par rapport à notre estimation à -3,5% à partir de Nielsen. Comme quoi les différents points de vue peuvent aussi se rejoindre. Et en tout état de cause, la montée en puissance continue de la pub digitale est un phénomène que l’on peut difficilement contester.